Débats sur les congés payés et maladie : la fin est proche ?
Le 18 mars, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture, sans le modifier, l'amendement déposé par le gouvernement dans le cadre du projet de loi d'adaptation au droit de l'Union européenne. Celui-ci a pour objectif de limiter, y compris rétroactivement, les effets des arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 et d'assurer la mise en conformité du code du travail français avec le droit européen.
Développement économique
Le droit français prévoit, à ce jour, que les périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, sont prises en compte pour l'acquisition de droit à congés payés.
En revanche, les périodes pendant lesquelles le contrat est suspendu pour cause d'accident ou maladie sans caractère professionnel ne donnent pas lieu à acquisition de droits à congés. Dans sa décision rendue le 08 février 2024, le Conseil Constitutionnel a estimé que ces dispositions étaient conformes à la Constitution et qu'ils ne violaient pas plus le principe d'égalité qu'ils ne méconnaissaient le droit au repos ou encore le droit à la protection de la santé.
Pour mémoire, dans plusieurs arrêts du 13 septembre 2023, la Cour de cassation a, de son côté, considéré que ces dispositions du droit français relatives aux congés payés n'étaient pas conformes au droit de l'Union européenne devaient être écartées par les employeurs.
Le 18 mars, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture, sans le modifier, l'amendement déposé par le gouvernement dans le cadre du projet de loi d'adaptation au droit de l'Union européenne (https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/2334/AN/44). Celui-ci a pour objectif de limiter, y compris rétroactivement, les effets des arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 et d'assurer la mise en conformité du code du travail français avec le droit européen.
Voici la synthèse de son contenu :
Une distinction entre la maladie non-professionnelle et l'accident de travail ou maladie professionnelle
- Pour les salariés en arrêt de travail pour maladie non-professionn
elle : l'acquisition de congés payés pendant ces arrêts de travail serait limitée à 4 semaines de congés payés par an, à raison de 2 jours ouvrables acquis par mois.
- Pour les salariés en arrêt de travail pour accident de travail ou maladie professionnelle : les dispositions de droit commun resteraient applicables avec l'acquisition de 2,5 jours ouvrables de congé par mois donc 5 semaines par an. La limitation à une durée d'un an qui était prévue par le code du travail serait supprimée.
Période de report des congés payés limitée à 15 mois
Le salarié dans l'impossibilité, pour cause de maladie ou d'accident (professionnel ou non), de prendre au cours de la période de prise des congés tout ou partie de ses congés payés, disposerait d'une période de report de 15 mois pour les utiliser. Ce délai de report courrait à compter de l'information que le salarié reçoit de son employeur, postérieurement à sa reprise d'activité, sur les congés dont il dispose (cf ci-dessous). Par dérogation, le délai de report de 15 mois débuterait à la fin de la période d'acquisition pour les salariés en arrêt maladie depuis plus d'un an et dont le contrat de travail continue à être suspendu.
Création d'une nouvelle obligation d'information à la charge de l'employeur
L'employeur serait tenu à nouvelle obligation d'information individuelle du salarié : Dans les 10 jours de son retour d'arrêt maladie, l'employeur devrait lui préciser :
- le nombre de jours de congé dont il dispose
- la date jusqu'à laquelle ces jours de congé peuvent être pris.
Cette information devrait être réalisée par tout moyen conférant date certaine à sa réception. La lettre recommandée ou la remise en mains propres contre signature semblent donc à privilégier.
Application rétroactive des nouvelles règles
Ces nouvelles dispositions auraient vocation à s'appliquer rétroactivement à partir du 1er décembre 2009.
Mise en place d'un délai de forclusion
Le projet d'amendement prévoit un délai de forclusion de 2 ans à partir de la publication de la loi, au-delà duquel les salariés dont le contrat de travail est toujours en cours ne pourront plus agir pour des rappels de congès payés antérieurs.
Concernant les contrats de travail déjà rompus lors de l'entrée en vigueur de la loi, l'amendement ne modifierait pas les règles de prescription de droit commun, c'est-à-dire l'application de la prescription triennale (3 ans) des actions en matière de paiement de salaires prévue par l'article L3141-5 du code du travail.
Et maintenant ?
L'agenda parlementaire mentionne désormais une adoption définitive de l'ensemble du projet de loi "adaptation au droit de l'UE" et donc de l'amendement le 9 avril 2024 au Sénat, puis le 10 avril 2024 à l'Assemblée nationale. Un tel calendrier suppose que la Commission mixte paritaire se tienne quelques jours auparavant.
Les nouvelles dispositions ne pourront entrer en vigueur qu'au lendemain de la publication de la loi au Journal Officiel.
Suite au prochain (et dernier ?) épisode
Réactions syndicales :
François Asselin, président CPME, considère ces éléments comme réalistes et constituant des avancées très importantes qui limiteraient considérablement la portée des arrêts de la Cour de cassation et en amoindriraient le coût financier pour les entreprises. La CPME n'a eu de cesse de dénoncer, notamment via sa pétition qui a recueilli plus de 25 000 signatures, une mesure inacceptable tant sur le fond que sur la surcharge financière imposée aux entreprises.
Le MEDEF, que préside Patrick Martin, voit également ses nombreuses actions auprès des pouvoirs publics récompensées (interventions auprès du ministère du Travail, des parlementaires et dans le cadre de la QPC ). Le MEDEF estime que ces mesures sont de nature à réduire de manière significative la portée de la jurisprudence de la Cour de Cassation pour le passé comme pour l'avenir.